Propane : L’UFC-Que Choisir saisit l’Autorité de la concurrence pour mettre fin au grand bazar
A l’approche de l’hiver, l’UFC-Que Choisir alerte sur la flambée des prix aux justifications obscures du propane en citerne (+ 17 % depuis 2017) touchant de nombreux ménages, généralement ruraux. Inquiète du faible nombre d’acteurs sur ce marché, l’UFC-Que Choisir saisit aujourd’hui l’Autorité de la concurrence pour qu’elle enquête sur les véritables causes de cette inflation subie par les consommateurs. De plus, afin d’éclairer au mieux les consommateurs sur leurs droits dans ce marché nébuleux, l’UFC-Que Choisir publie aujourd’hui sur son site internet une Foire aux questions1 librement accessible.
Propane : la chère captivité
Environ 600000 foyers utilisent aujourd’hui du propane en citerne (GPL) pour le chauffage, l’eau chaude ou encore la cuisson. Ce mode d’approvisionnement en énergie résulte généralement de l’impossibilité de souscrire un abonnement au gaz en raison de l’absence de réseaux de distribution de gaz naturel qui touche 23 % de la population, présente dans 27000 communes, souvent rurales. Or, cette situation a un impact économique majeur pour les consommateurs. En effet, le propane demeure une énergie plus de deux fois plus chère que le gaz naturel (respectivement 14,73 € et 6,75 € pour 100 kWh2). Cette absence d’alternative en gaz naturel aboutit à ce que les utilisateurs de propane soient captifs. En effet, l’électricité affiche un prix encore supérieur (17,58 € pour 100 kWh) et le fioul, certes moins cher (8,07 € pour 100 kWh), est en voie de disparition puisque l’installation ou le renouvellement de citernes sera interdit à partir 2022. Quant aux pompes à chaleur, malgré les aides existantes3 le coût à l’installation restant à la charge des consommateurs demeure souvent dissuasif (10000 €4).
Les chiffres accablants de la surchauffe des factures
Alors que les marchés de l’électricité et du gaz sont aujourd’hui en partie régulés (via notamment les tarifs réglementés), le marché du propane est quant à lui entièrement libéralisé. Les propaniers disposent ainsi de l’entière liberté de fixer leurs tarifs, et de dicter des augmentations tarifaires… avec des arguments suspects.
C’est ainsi, par exemple, que Butagaz, a annoncé en février 2020 une hausse à venir, le 1er mars suivant, du prix du propane de 1714 euros à 1834 euros (+ 7 %) la tonne, s’expliquant, d’après le fournisseur, par le fait que « le prix des matières premières énergétiques n’a cessé d’augmenter notamment du fait d’une instabilité géopolitique mondiale ». Pourtant, les chiffres des marchés invalident cette explication. De début septembre 2019 à début février 2020, le cours du baril de pétrole a en effet chuté de 7,6 % quand celui du gaz naturel cédait au cours de la même période 19,4 % ! De plus, en raison du la crise économique en lien avec la Covid-19, les cours mondiaux de ces matières premières se sont effondrés, sans pour autant que les prix facturés aux particuliers, eux, n’aient connu de chutes.
Si en regardant la situation de la France on se désole, la comparaison avec nos voisins allemands ne permet pas de se consoler. En effet, alors que de début 2017 à mi-2020 les prix en Allemagne ont baissé de 23 % dans le même temps les prix en France ont crû de 17 %. Aujourd’hui, les prix sont ainsi plus de deux fois plus élevés en France qu’en Allemagne5.
Un marché réellement concurrentiel ou un déplorable grand bazar ?
Comment s’étonner de ces prix français, alors que depuis 2015 il n’y a plus que 4 propaniers nationaux, dont les trois principaux (Antargaz, Butagaz, Primagaz) ont une part de marché de l’ordre de 90 %. Pire, comme il n’existe aucune obligation pour les propaniers de livrer les consommateurs sur l’ensemble du territoire, un consommateur peut très bien avoir affaire sur sa zone de vie à un monopole de fait6.
Plus largement, les pratiques des propaniers sur l’élaboration des tarifs interrogent sur le fonctionnement du marché. Effectivement, les prix affichés sont parfois fictifs puisqu’en suivant les recommandations de la DGCCRF7, les consommateurs peuvent être en mesure de négocier directement un important rabais auprès de leur fournisseur. S’il est déplorable que pour se chauffer à un prix décent les consommateurs soient amenés à passer par une négociation de marchands de tapis, cette pratique laisse non seulement l’impression que le tarif de base est artificiellement élevé, mais qu’en plus elle ne peut être concluante que pour les consommateurs réellement en mesure de faire jouer la concurrence.
Il y a 8 ans déjà, l’UFC-Que Choisir saisissait pour avis l’Autorité de la concurrence, qui avait alors émis des recommandations aboutissant à ce que la Loi Hamon (2014) améliore les pratiques contractuelles des vendeurs de propane. Force est de constater au vu de la situation actuelle que ces mesures mériteraient d’être complétées.
Jugeant inacceptable la hausse du prix du propane frappant de plein fouet les consommateurs, l’UFC-Que Choisir saisit donc aujourd’hui à l’Autorité de la concurrence pour qu’elle examine l’étendue réelle de la concurrence du marché du propane et qu’elle propose, le cas échéant, toute évolution légale permettant d’établir un véritable marché concurrentiel.
De plus, compte tenu de la complexité du marché du propane (GPL), l’UFC-Que Choisir publie aujourd’hui sur son site internet, en libre accès, une Foire aux questions pour répondre aux principales questions que peuvent se poser les consommateurs.