UFC-Que Choisir de Saône-et-Loire

Alimentation, Santé

Loi DUPLOMB : un projet bénéfique pour les citoyens ?

Ce projet de loi fait beaucoup parler de lui : indispensable pour certains, dangereux pour d’autres et au final discuté en petit comité et non en assemblée nationale plénière !

Représente-t-il le point de vue de TOUS les agriculteurs ?

« Cette proposition de loi ne répond pas aux attentes du monde agricole selon Thomas Guibert, porte-parole du syndicat agricole la Confédération paysanne.

Ce texte ne bénéficiera qu’à une poignée de très gros agriculteurs, .. »

Une levée de bouclier du côté de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf). Lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, son président, Christian Pons, a dénoncé une loi qui « prétend défendre la souveraineté alimentaire, mais depuis quand est-il acceptable de détruire une filière, celle des apiculteurs, pour en sauver une autre, celle des noisetiers par exemples ? »

Un sondage Ifop du Collectif Nourrir réalisé en février 2024 auprès de 600 agriculteurs indiquait qu’à peine 4 % des répondants sont préoccupés par les restrictions sur les pesticides. 60 % des agriculteurs interrogés disaient vouloir se tourner vers l’agroécologie et la bio.

Le projet de loi,  « C’est une évidence pour nous, pour tous les agriculteurs en fait, tout simplement », explique le président de la FDSEA de l’Eure.

Fin août 2024, FNSEA et Jeunes Agriculteurs présentaient en effet leur loi idéale, pour « entreprendre en agriculture ». Au menu, déjà : l’épandage par drone, la réintroduction de pesticides interdits et la remise en cause du fonctionnement de l’Anses, l’agence chargée de donner le feu vert à la vente des produits phytosanitaires.

Manifestement NON !

Qu’en pensent les scientifiques ?

Plus de 1 000 chercheurs, médecins, soignants, publient ce lundi une lettre ouverte aux ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail et de l’Environnement : plusieurs centaines de médecins,  des membres des communautés scientifiques impliquées (toxicologie, écotoxicologie, agronomie, etc.) issus des universités et des organismes de recherche publics (Centre national de la recherche scientifique, CNRS ; Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Inrae ; Institut de recherche pour le développement ; Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, …).

Pour les signataires, c’est « une remise en cause de la place de l’expertise scientifique dans le processus d’autorisation de mise sur le marché à travers un affaiblissement du rôle de l’Anses« . Les signataires craignent que les priorisations qui seraient alors faites le soient « au mépris des exigences sanitaires« .

« La liste des pathologies en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides ne cesse de s’allonger, tout comme celle des pathologies impactant la population générale. Deux expertises collectives, celle de l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale], en 2021, et celle de l’Inrae, en 2022, ont permis d’établir des faits scientifiques incontestables. « Agriculteurs, riverains, citoyens ne veulent plus servir de cobayes à l’évaluation de “l’effet cocktail” de toutes ces substances disséminées dans l’environnement, et que l’on retrouve dans l’eau du robinet, les eaux minérales, et nos aliments ». 

Et Côté gouvernement ?

Quand la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher rappelle son hostilité au retour des néonicotinoïdes, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard défend « un texte essentiel » pour les agriculteurs. Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique a précisé sur l’acétamipride:  « Ça tue les pollinisateurs, c’est un perturbateur endocrinien, un neurotoxique du développement et on peut le retrouver dans l’eau potable », a-t-elle rappelé sur franceinfo.

Mais que contient la projet de loi Duplomb ?

La France est le 2ᵉ plus gros consommateur de pesticides et le second pays qui autorise le plus de pesticides en Europe. En 2023, la France s’est classée au 10e rang mondial en termes d’utilisation des pesticides, selon le dernier rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization, organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture)

Le projet de loi

Les articles de la proposition visent notamment à :

  • Réautoriser par dérogation la mise sur le marché de certaines substances néonicotinoïdes : réintroduire un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018 : l’acétamipride.
  • L’épandage par  « aéronefs télépilotés »pour « la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques » serait possible dans certains cas.
  • L’article 2 propose de créer un conseil d’orientation pour la protection des cultures : il  priorisera le travail sur les autorisations de mise sur le marché de l’ANSES en fonction des attentes des filières (et non des priorités de santé publique).

Selon les médecins et les scientifiques, cet article représente « une remise en cause de la place de l’expertise scientifique dans le processus d’autorisation de mise sur le marché [de produits phytosanitaires] à travers un affaiblissement du rôle de l’Anses ».

  • Sur l’élevage, l’article 3 propose notamment des changements sur les normes en matière de construction de bâtiments d’élevage en assouplissant la procédure d’autorisation environnementale. Le projet vise à élever les seuils des élevages soumis à autorisation, en passant par exemple d’un élevage de 40 000 volailles à 85 000 volailles. En 2024, près de 19 000 sites étaient soumis à ce régime d’autorisation, soit moins de 5 % des exploitations agricoles françaises.
  • L’article 5 promeut une politique de stockage massif de l’eau pour l’agriculture irriguée, en présumant d’intérêt général majeur les ouvrages de prélèvement et stockage d’eau agricole dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne. Une mesure à destination de quelques agriculteurs industriels, et desservant les capacités de production futures, les agriculteurs et agricultrices déjà impliquées dans une gestion plus sobre et la juste répartition de la ressource en eau.

L’acétamipride : problématique ou non ?

 Le 15 mai 2024 l’EFSA  a publié les éléments suivants : (https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2024.8759)  : il existe des incertitudes majeures dans le corpus de preuves concernant les propriétés de neurotoxicité développementale (DNT) de l’acétamipride et que des données supplémentaires sont donc nécessaires pour parvenir à une compréhension mécaniste plus solide et permettre une évaluation appropriée des dangers et des risques.

Compte tenu de ces incertitudes, le groupe de travail de l’EFSA a proposé d’abaisser la dose journalière admissible (DJA) et la dose aiguë de référence (DARf) de 0,025 à 0,005 mg/kg de poids corporel (par jour)….

D’autres publications scientifiques ont été portées à l’attention de la Commission : de faibles niveaux de N-desméthyl-acétamipride (IM-2-1), un métabolite de l’acétamipride, ont été détectés dans la plupart des échantillons de liquide céphalo-rachidien (LCR) d’enfants.

Des États membres ont présenté à la Commission des preuves indiquant que des niveaux élevés du métabolite IM-2-1 ont été trouvés dans certains produits alimentaires, en particulier dans les épinards. Enfin, un État membre a informé la Commission qu’un risque aigu potentiel pour le consommateur dû à l’exposition à l’acétamipride dans les poires et les laitues a été identifié.

 « Des incertitudes majeures » demeurent sur les effets neurodéveloppementaux de l’acétamipride, a notamment fait valoir l’Efsa. Il faudrait de « nouveaux éléments » pour pouvoir « évaluer de manière adéquate les risques et les dangers » de l’acétamipride, a insisté l’agence, appelant pour l’heure à abaisser nettement les seuils auxquels ce pesticide est jugé potentiellement dangereux.

Une étude japonaise réalisée en 2019 : les néonicotinoïdes, et notamment l’acétamipride, sont capables de passer la barrière du placenta et donc d’atteindre le neurodéveloppement de l’enfant dans le ventre de sa mère.

Les effets de mélange (effet cocktail) sur la santé sont encore largement inconnus et inexplorés, pointe Sylvie Bortoli (Inserm). Le risque pour la santé est probablement largement sous-estimé. » « Ce type d’effet est connu lorsqu’on mélange des médicaments, il n’y a aucune raison que cela ne soit pas le cas avec les pesticides », développe Xavier Coumoul, professeur des universités en biochimie et toxicologie.

Et le principe de précaution visant à l’interdire partout , pourquoi n’est-il pas appliqué ?

Mais existe-t-il ou non des solutions alternatives à l’acétamipride ?

Les travaux de l’Anses : l’agence a réalisé une étude  sur l’évaluation de l’impact des néonicotinoïdes sur la santé des abeilles et des Hommes   et l’identification de traitements alternatifs aux néonicotinoïdes pour les cultures de betteraves https://www.anses.fr/fr/content/les-neonicotinoides : les résultats de cette expertise ont été publiés dans un avis en mai 2021 (PDF). Quatre solutions disponibles à court terme ont été identifiées, ainsi que 18 moyens de lutte substituables aux néonicotinoïdes à moyen terme, dans un délai de deux ou trois ans. Les solutions applicables dans l’immédiat sont deux produits phytopharmaceutiques conventionnels à propriété insecticide, le paillage et enfin la fertilisation organique, afin de contrôler les apports d’azote.

« Les alternatives [aux pesticides] existent, sauf qu’il faut s’en donner les moyens », affirme, lundi 26 mai sur franceinfo, Benoît Biteau, agriculteur bio, agronome et député écologiste de Charente-Maritime. « La réponse, elle, est dans l’agronomie, et c’est de ça qu’il faut qu’on parle », insiste l’agriculteur. Quant aux arguments sur l’utilité de certains néonicotinoïdes pour rester compétitif face aux autres pays européens qui l’utilisent toujours, Benoît Biteau répond : « L’acétamipride est un produit sur la liste des produits à substituer, donc c’est un produit qui est autorisé avec parcimonie et sur des demandes de dérogations (…). C’est un produit qui va être supprimé définitivement, donc c’est reculer pour mieux sauter. » Il en rappelle la dangerosité pour la biodiversité mais aussi pour la santé humaine.

le 28 février 2022 l’INRAE a publié les éléments suivants : La recherche de solutions alternatives à l’usage des néonicotinoïdes progresse

A l’occasion du Salon International de l’Agriculture, INRAE et l’ITB organisaient une table-ronde pour présenter les premiers résultats du PNRI, le Plan National de Recherche et d’Innovation, qui vise à trouver des solutions alternatives à l’usage des néonicotinoïdes d’ici 2024. À l’issue de cette première année, grâce au travail complémentaire de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée, des possibilités se dessinent. Ces leviers, combinés les uns avec les autres, pourraient permettre de limiter l’impact de la jaunisse sur les betteraves. https://www.inrae.fr/actualites/recherche-solutions-alternatives-lusage-neonicotinoides-progresse

La réaction de l’UFC-Que Choisir

Le 26/05/2025 a été publiée une lettre ouverte aux Députés, signée par 26 structures : Voter la loi sur les contraintes agricoles entrainerait une régression profonde de la protection de la santé des consommateurs et de notre environnement !

https://extranet.ufc-quechoisir.org/lettre-ouverte-aux-deputes-voter-la-loi-sur-les-contraintes-agricoles-entrainerait-une-regression-profonde-de-la-protection-de-la-sante-des-consommateurs-et-de-notre-environnement/

Ce ne sont donc pas les éléments scientifiques qui manquent ! Plutôt que de réautoriser ce pesticide en France, notre pays doit agir fortement pour que la Commission Européenne l’interdise partout en Europe !

Agissons ensemble pour faire barrage à ce projet de loi qui n’est pas porté par l’ensemble des agriculteurs !