Souveraineté alimentaire, sécurité alimentaire, autonomie alimentaire : quelles différences ?
Ecouter la « Minute-Conso » diffusée sur Radio-Bresse le 7 juin 2024
Autonomie alimentaire, indépendance, résilience du système alimentaire, sécurité alimentaire, souveraineté alimentaire : qu’est-ce que cela signifie ? Nos agriculteurs travaillent pour nourrir quelle population ? Ces différents termes ne sont pas strictement interchangeables.
Le système alimentaire : c’est la manière dont les hommes s’organisent dans l’espace et dans le temps pour obtenir et consommer leur nourriture. IL intègre l’ensemble de la chaîne d’acteurs mobilisés à cette fin, les échanges physiques et financiers, les interactions avec l’écosystème, les institutions.
La “résilience alimentaire“, (CNRA, Conseil National pour la Résilience Alimentaire) : c’est la capacité, dans le temps, d’un système alimentaire à procurer à tous une alimentation suffisante, adaptée et accessible, face à des perturbations variées et même imprévues.” les objectifs poursuivis : mieux connecter l’offre locale à la demande de proximité. Faciliter la disponibilité de cette offre (accompagnement de l’amont), son accessibilité (avec le point crucial de la logistique) et sa lisibilité (en référence à la traçabilité des données et à la gestion de l’information)
Un système sera donc résilient s’il peut absorber les perturbations, apprendre des crises, évoluer structurellement pour assurer à long terme la satisfaction des besoins essentiels de sa population. Ainsi, la résilience alimentaire et territoriale sont cruciales pour assurer la sécurité alimentaire et pouvoir nourrir la population avec une alimentation de qualité dans un monde confronté à des défis constants.
L’autosuffisance alimentaire : c’est la possibilité pour un pays de subvenir aux besoins alimentaires de son peuple par sa seule et propre production.
La sécurité alimentaire : c’est prévoir des situations d’urgence et se prémunir par des mesures appropriées. Elle s’articule autour de quatre dimensions : la disponibilité des vivres, l’accessibilité des ménages et des individus à l’alimentation, le fonctionnement et la stabilité des marchés et, enfin, l’utilisation des aliments (dimension nutritionnelle et sanitaire).
Alors que l’autosuffisance privilégie les moyens — la production nationale — sur la finalité, la sécurité alimentaire privilégie la finalité — l’accès à l’alimentation de chacun — sur les moyens permettant d’y parvenir
C’est ainsi que la sécurité alimentaire pourra être atteinte en combinant production locale, importations régionales ou internationales, et aides alimentaires.
Une définition officielle de la souveraineté alimentaire n’existe pas.
La notion de souveraineté alimentaire a été introduite dans la sphère internationale par le mouvement paysan Via Campesina à l’occasion du Sommet mondial de l’alimentation à Rome en 1996 : La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité culturelle et agricole. La définition originelle de la Via Campesina : « produire ici pour nourrir ici, produire là-bas pour nourrir là-bas ».
La souveraineté alimentaire désigne le droit des populations à définir leur politique agricole et alimentaire :
- Le droit des agriculteurs à produire des alimentset le droit des consommateurs de décider des aliments qu’ils veulent consommer
- La priorité donnée à la production agricole locale pour nourrir la population
- Le droit des Etats à se protéger des importations agricoles et alimentaires à trop bas prix
- La participation des populations aux choix de politique agricole.
Il ne faut pas confondre la souveraineté avec l’autonomie ou l’autosuffisance. La souveraineté induit une capacité stratégique des acteurs de connaître et gérer leur dépendance en mettant en œuvre des politiques adaptées. L’autonomie désigne la capacité à ne pas dépendre d’autrui, à évoluer indépendamment des autres, ce qui, à l’heure de problématiques communes comme le réchauffement climatique, n’a que très peu de sens. L’autosuffisance, ou l’autarcie, est une situation dans laquelle se trouve un pays ou un individu dont les ressources propres sont suffisantes pour répondre à ses besoins. A l’heure de la mondialisation des échanges, l’autonomie ou l’autosuffisance alimentaire paraissent utopiques.
La souveraineté alimentaire a une dimension beaucoup plus large que la sécurité alimentaire. Elle débouche sur des pratiques concrètes comme par exemple, choisir la diversification des cultures pour préserver l’environnement tout en augmentant la productivité agricole. C’est une posture qui permet de réorienter le rapport à la nature, le faisant passer de l’exploitation au respect.
Au sens littéral, une « souveraineté alimentaire » en France est quasi-impossible. Ce qui signifierait manger uniquement ce que nous produisons, donc se priver de nombreux produits et en manger d’autres avec excès. Par exemple, selon une récente étude de France Agrimer, notre pays est autosuffisant ou presque sur les céréales, le sucre, le vin et certains produits laitiers. Mais évidemment pas sur les fruits tropicaux, les agrumes, le café, le thé, le cacao, le riz ou certains poissons comme le saumon et le cabillaud. Des produits très consommés en France mais pas ou très peu produits chez nous.
Pour ne pas apparaître comme un simple retour à l’autosuffisance nationale, la souveraineté alimentaire doit clairement promouvoir une approche régionale fondée sur les complémentarités et la solidarité. La réflexion doit aussi prendre en charge l’analyse de l’évolution de la demande alimentaire et la capacité des filières agro-alimentaires locales d’y répondre
Le 1er février, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre Gabriel Attal déclare que la souveraineté agricole serait inscrite au cœur de la prochaine grande loi agricole française.
C’est en 2020, en pleine crise du Covid, que la souveraineté alimentaire refait surface dans l’hexagone. Face aux pénuries et dépendances extérieures qui se font jour, le Président Emmanuel Macron affirme que « déléguer notre alimentation » est une « folie », et appelle à « une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main ».
Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a tenté de définir le terme par « plus de production française qui permettra d’avoir plus de produits français ».
De la liberté des pays à choisir son système alimentaire, la souveraineté devient une capacité de production, dont l’indicateur est la balance commerciale.
Alors que la France importe les trois quarts du blé dur consommé, plus d’un tiers des fruits tempérés, un quart des pommes de terre, ou de la viande de porc, on exporte tous ces produits dans le même temps.
La souveraineté alimentaire passe nécessairement par la préservation des capacités productives dans la durée, il est donc indispensable de préserver les ressources, la biodiversité et la vie des sols et des écosystèmes : la transition agroécologique, qui permet le développement de modèles dont l’agriculture biologique, permet d’assurer les capacités de production aujourd’hui et demain.
La démarche des PAT : Les projets alimentaires territoriaux (PAT) ont pour objectif de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines. Ils sont élaborés de manière collective à l’initiative des acteurs d’un territoire (collectivités, entreprises agricoles et agroalimentaires, artisans, citoyens etc.).
Quelques chiffres :
La France demeure le premier pays agricole de l’UE (19% de la production agricole de l’UE).
Au lendemain de la guerre, un agriculteur nourrissait en moyenne 15 personnes, dans les années 2000, il en nourrit 60.
La France : une puissance exportatrice 8,4 Mds d’euros d’excédent commercial agricole et agroalimentaire moyen, de 2010 à 2020 (Source : France Stratégie – « Pour une alimentation saine et durable » – 2021)
7,9 Mds d’euros d’excédent en 2019 90 % (soit 6,6 Mds d’euros) relèvent des produits transformés (Source : Rapport annuel du commerce extérieur de la France – 2021)
1976 : dernière année de déficit commercial (causé par la sécheresse)
(Données 2021)
La France importe 20 % de sa consommation alimentaire, cette dépendance ayant doublé en l’espace de 20 ans.
La restauration hors domicile (RHD) : 15 millions de Français prennent au moins chaque jour un repas hors domicile, et 50 % des repas hors domicile sont pris en restauration collective. 1/3 du budget alimentaire des ménages est consacré à la RHD (Source : INSEE)
25 % de la consommation de viande est consommée en RHD. Plus de la moitié de la viande de bœuf, 60 % pour la volaille, 75 % pour le poulet standard sont importés.
FRUITS ET LÉGUMES – 5,9 milliards d’euros de déficit commercial – Moins d’un fruit sur trois consommé en France est d’origine française.
PROTÉINES VÉGÉTALES : 40 % des protéines végétales sont importées. 70 % des légumineuses à graines pour la consommation humaine (lentilles, pois chiche) sont importées (soit 300 000 tonnes)
VIANDES ET PRODUITS D’ÉLEVAGES : 40 % de la viande de volaille consommée en France est importée, contre 13 % en 2000 :
– 25 % du porc consommé en France est importé
– 56 % des ovins, en provenance des pays anglo-saxons
– vendu dans les circuits de la restauration hors-domicile est importée
PRODUITS DE LA MER : les 2/3 des poissons sont importés (déficit de 4,4 milliards d’euros). Il y a une inadéquation entre l’offre et la demande : la demande des consommateurs pour du saumon et du cabillaud ne correspondant pas aux ressources halieutiques françaises
BIO : 33 % des produits bio sont importés (soit 1,7 Mds d’euros de déficit)
(source : https://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/presse/DP_AutonomieAlimentaire.pdf )
Quelques liens internet :
https://www.franceagrimer.fr/content/download/70677/document/ETU-2023-SOUVERAINETE_ALIMENTAIRE.pdf
https://www.alimenterre.org/system/files/2023-06/ressource-souverainet%C3%A9-alimentaire.pdf
https://www.cerema.fr/fr/actualites/experimentation-demarche-auto-evaluation-projets-alimentaires
https://france-pat.fr/presentation-de-l-observatoire/